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Nouvelles-(C)ontes

     Il y avait parfois, dans un village, une fille que chacun désirait, une fille parfaite sur tous les plans. Celle-ci se nommait Lucie et tous voyaient en ses yeux cristallins et ses cheveux bouclés d'or, la plus rayonnante des filles de la contrée.

 

     Par un jour enclin à illuminer son teint nuage, elle se dirigea vers la forêt au bout du village, où les pavés disparaissaient sous la neige fraîchement tombée. Elle s'enfonça de plus en plus, le soleil bien que bas visible en son ensemble. Entourée de fleurs aux éclats rosés par la lumière qui baissait.

 

     Elle marcha, s'engouffra dans les sentiers où elle avait souvent joué.

     

     Elle finit par remarquer des traces de pas, des traces animales. Elle en avait déjà vu. Jamais aussi grosse. A la dernière lueur, elle aperçut des tâches de sang, ça et là autour des empreintes.

 

     Inquiète elle les suivit, pensant trouver une pauvre bête, à l'agonie, espérant l'aide de la mort ou d'un ange pour lui ôter sa douleur.

 

     De pas en pas, puis encore un,toujours plus profond, elle suivait tête baissée.

 

     Un bruit. L'air était si froid et la nuit si sombre à présent. La fillette remarqua un ciel entre violet et noir aux nuages apparents accentués par une lune semblant n'avoir jamais été aussi pleine. Pas d'étoiles.

 

     Brusque poussée vers l'arrière produisant un craquement, lorsqu'elle vit la pauvre bête. Quelque peu dégoûtée par son état, du sang avait fondu la couche infime de neige à cet endroit. Elle sentit une bouffée de chaleur désirant s'afficher sur ses joues, une expression de son mal-être face à ce tableau d'effroi.

 

     Plus de place pour la compassion, la supposée sauveuse devint la prochaine victime. Car oui, le coupable de ce carnage était bien là, elle ne pouvait en douter, une masse noire dont on distinguait à peine les touffes de poils. Le vent soufflait la poudreuse rare sur son pelage d'onyx. En cet instant de flottement la créature leva l'oreille puis la fillette sembla discerner un reniflement. Elle vit le cou du prédateur commencer à tourner.

 

     Son sang se glaçait, la neige tombait à nouveau. Elle était immobile et pourtant jamais elle n'avait autant été agité.

 

     Son corps, machinalement, fit demi-tour. Mais son regard, lui ne pouvait se détacher de cette abomination. Elle commença sa course, le plus vite que lui permettaient ses jambes frêles et ses orteils glacés, tourna la tête, visant le point le plus loin de l'horizon, comme espérant y être transportée par magie, comme un cap à tenir...

 

     Plus rien.

 

     Son dernier coup d'œil lancé furtivement lui apportait le néant. Plus rien... Plus rien que deux éclipses dans les yeux de la bête, qui éclipsait elle-même la nuit toute entière, la forêt alentour, et les derniers espoirs d'horizon de Lucie.

 

     Un massacre... Après que le loup ait bondi sur ce corps désincarné par la peur, ses crocs acérés lacérèrent sa chair. Plus de neige, au sol comme dans les airs. La nuit elle-même semblait soulevée d'un haut-le-cœur, désireuse d'échapper à ce spectacle... Espace et temps étaient suspendus.

 

     Enfin une lumière! Une lumière embaume à présent la dépouille. Une lumière fustige dans l'esprit du démon sombre dont les pupilles se dilatent.

 

     La bête avait compris.

 

     Au moment où son museau entra en contact avec le cœur, non pur, mais innocent de la jeune fille, comme poussé d'une seconde nature sauvage et sans règle, il sentit la lumière dans ses veines.

 

     Il avait avalé la lumière, l'avait laissé s'immiscer en lui. Et cette lumière lui révéla le sentiment qui, à jamais, calmerait son appétit animal : la tristesse.

 

     Peu à peu, les griffes devinrent ongles, les crocs des dents. Les vertèbres en un craquement rétrécirent, infligeant une douleur incommensurable et pourtant si petite par rapport à cette tristesse. La bête redevint homme dans toute sa faiblesse et sa conscience. Et c'est bien cette conscience qui d'un repas des plus délicieux, fît le plus cruel cadeau à un père.

 

     Vêtements en lambeaux, les larmes coulant le long de son corps nu et osseux, il prit Lucie dans ses bras.

 

     Le lendemain matin, le village se réveillait devant une sépulture, sur la place du village. Avec un homme, un loup désabusé, recroquevillé, qui pleurait. Il avoua son crime, se tut, puis en prison se tua.

 

     Dans les villages encore aujourd'hui, tout le monde se souvient de la petite Lucie, cette fille que chacun désirait, et dans les bouches raisonneraient à jamais : «Lucie des Bois, la fille que son père avait trop aimée».

 

 

 

 

 

 

Lucie Hood

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