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Nouvelles-(C)ontes

     Oui, il neigeait... Zut, pas de chasse aujourd'hui... De toute façon, j'devais réparer mon arc! Oh non, j'avais oublié le cours sur la nature avec ces vieux croûtons de sages d'Antä-truc. Vite! Chaussures, carquois, punaise mon chapeau! J'l'avais mis là!

 

     Vite, cours, cours. Que j'étais bête; courir et s'habiller... c'est pas compatible... Les soleils étaient déjà hauts, j'arriverai à la fin! Ces satanés sages le verraient de leur mauvais Å“il et je devrais encore déloger les korrigans. Non, je ne reperdrai pas un bout d'oreille!

 

     Allez, je n'étais plus loin, c'était pourtant ici!

 

     Personne dehors naturellement! Ils avaient peur de se geler leurs oreilles pointues, affrontant le ciel telles des étendards de la connaissance se dressant contre nous, et surtout moi. En même temps, peu importe la saison, nous nous habillons de feuille alors faut pas s'étonner de crever de froid!

 

     Grr! Y caillait et j'trouvais pas! Ah, c'était là! J'y étais, j'y étais! Mais non... c'était déjà fini, à moi les korrigans :

"-Bonjour grand sage! Déclamai-je à ce vieux singe.

-Trop tard, à votre habitude... Détestez-vous à ce point nos leçons?

-Non, j'adore mais... avouez que c'est tôt! Et toc, le schnock continuai-je fièrement dans ma tête de jeune freluquet.

-Korrigans! Voilà ta punition! En espérant que tu comprennes cette fois..."

 

     Non! Adieu monde cruel! Je t'aimais pourtant! Et son sourire malin, qui ne faisait qu'achever de donner à ma figure la mine la plus déconfite que j'ai jamais arborée.

 

     Bon, il fallait y aller si je ne voulais pas que les singes me tuent ensuite.

 

     Ces korrigans, pourquoi venaient-ils à l'école? Ils savaient que j'allais être puni à devoir les mettre dehors ou quoi?

 

     Aïe! Saloperie de feuilles rendues glissantes par la bruine du matin qui me dégueulassaient à présent.

"-Ah ah ah! Quelle chute!

-Ferme-la pov'..."

 

     Stop.

 

     Soudain, plus rien n'existait, j'entendais parmi les battements de cÅ“ur, un particulier, qui me reposait, m'apaisait.

 

     J'étais prisonnier de cette palpitation, le piège refermé sur moi sans que je puisse m'en dépêtrer, et que je ne voulais pas quitter. Je ne faisais qu'écouter, peu à peu meurtri et libéré à la fois, totalement sous cette emprise...

 

     Je ne me sentais pas vulnérable, en sachant que je l'étais, j'analysais, cherchais d'où provenaient ces percussions si intenses qu'elles englobaient tout mon être qui vibrait à l'unisson.

 

     Je dressais les oreilles, et là, je découvris cette source de plaisir; derrière un arbre, je sentais qu'elle était là,mais pour la voir et l'avoir, il me fallut me concentrer.

 

     Des tonnes de bruits parasites brouillaient mon ouïe, et rendaient mon agréable audition très délicate.

 

     Ã€ force de concentration, je compris que l'arbre et le rossignol s'accordaient à chanter sur le rythme de son cÅ“ur. La nature donnait un concerto qui semblait m'être adressé. Le tempo doux et lent, presque inaudible.

 

     J'admirais ce concert, parfois, un gobelin rentrant sans doute chez lui, au creux d'un tronc, rendait la musique plus terne de son grondement... parfois, l'écureuil à vive allure, semblait emmener avec lui cette mélodie et l'accélérer.

 

     Le tout était orchestré par le vent, qui, semblant avoir compris que j'étais spectateur, soufflait et ramenait chaque son à mes longues oreilles, attentives et en proie à ce délice.

 

     Le chant mélodieux s'accompagnait d'une danse, et je vis les feuilles tournaient sur elles-même, les arbres valsaient avec les dryades.

 

     Ã€ présent, sans me forcer, tout me parvenait et ma vue perçant la neige diaphane ne rendait le spectacle que plus merveilleux.

 

     Non, celui-ci, improvisé mais si beau, ne me lassait pas. Malgré tout, je voulais mieux connaître le musicien qui avait lancé cet opéra majestueux.

 

     Plus je me concentrais sur cette mélopée, plus j'entendais les sons et variations magnifiques. Si, par hasard, le chef d'orchestre bougeait ou parlait, la tonalité changeait pour ne devenir que plus douce à mes tympans.

 

     J'arrivais enfin à éloigner la mélodie de son cÅ“ur, et par sa résonance dans son corps, j'en déduis qu'elle était de grande taille... également une elfe... S'était-elle rendue compte de mon engouement pervers pour sa musique? De ma position d'auditeur, de voyeur?

 

     C'était un mystère doublé de cette mystique harmonie qui enivrait la forêt.

 

     Ã€ force d'écoute, je perçus un ralentissement, plus faible, plus lente et peu à peu je perdais du terrain sur ces sons que je m'empressai de suivre.

 

     J'osais m'aventurer vers la source de plaisir, la source de mon plaisir, tout en écoutant et en souriant, accompagné par la musique, attiré par son battement resplendissant. Et, mon cÅ“ur, presque irrigué de sentiments, comme si nos palpitations se complétaient et s'attendaient depuis le premier jour, le nôtre.

 

     Puis, après m'être largement rapproché de la fille, car c'en était une, cela se sentait, je pus enfin mettre une forme, un visage, un corps, sur ce spectre musical qui me hantait.

 

     Je compris d'abord, par l'écho emprisonné dans le haut de son corps, que sa poitrine était serrée dans un corset, puis par l'écho contre les arbres, qu'elle portait une robe en feuilles d'érable.

 

    Par tous ces détails, je sus que ce n'était pas n'importe qui, elle semblait être de sang pur, les Hauts-Elfes.

 

     Un danger... mais je devais m'y risquer.

 

     Il me fallut ensuite mettre à l'épreuve mon ouïe pour entendre son visage, découvrir ses longs cheveux frottant le sol, cinglant l'air lors d'une bourrasque de vent, entre-percevoir ses lèvres pulpeuses crépitant sous l'effet du froid, se craquant comme le gel sous mes pieds, et la sève... La sève de l'arbre qui s'écoulait en cadence avec son sang.

 

     Je n'étais plus qu'à quelques lieues, mes jambes, pourtant glacées, voulaient avancer vers ma future mariée.

"-Vite! Dit-elle, en un souffle faible relevant presque de l'ultrason."

 

     Elle m'avait entendu! Elle voulait me voir! Je ne pouvais reculer, j'accélérais même!

"-Comment t'appelles-tu? Osai-je demander.

-Aideh'm... ajouta-t-elle difficilement.

-J'arrive!"

 

     Sa voix était si basse... si fluette... Mais c'était assez pour me donner espoir, me ramener à la vie.

 

     Bizarrement, je n'entendis soudain plus sa respiration... Autour de moi, le spectacle se figea... Seule la neige se mouvait encore dans une perpétuelle chute vers l'enfer de la terre. Pourquoi ce bonheur auditif et visuel s'était éteint? Il me sembla seulement qu'il eût été directement transféré en moi, car je ne m'étais jamais senti aussi épanoui, et mon corps, ainsi que mon esprit, étaient à la fête.

 

     Je vivais.

 

     "-Trop... tard... chuchota-t-elle.

-Trop tard? Pourquoi Aideh'm?"

 

     Aucune réponse.

 

     Quelques foulées encore.

 

     Aucune réponse.

 

     Elle était assise, belle, contre le chêne, une fleur d'amor, vénéneuse, tueuse, pendant au-dessus d'elle. Elle était morte, "Aideh'm" devint "Aidez-moi" et je culpabilisais de ne l'avoir compris plus tôt, car, sans la connaître, je connaissais sa mort.

     

 

 

 

 

 

 

Amour Vénéneux

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